lunes, 11 de febrero de 2013

Placenta, clitoris, prépuce, Leboyer contre la violence des adultes, Michel Hervé Bertaux-Navoiseau


Eustache Le Sueur. (1616-1655) La Vierge à l'enfant avec saint Jean-Baptiste. Musée du Louvre.
Photo: Didier Rykner. 

Placenta, clitoris, prépuce,Leboyer contre la violence des adultes(*)

(la coupure prématurée du cordon ombilical et la perte de l'ambilatéralité,
un fantasme médical de castration de la femme, une castration réelle pour l'enfant)



"Pour le scientifique, tout ce qui n'est pas démontré comme vrai doit être considéré faux."

"Si nous voulons créer un monde moins violent,
"Où le respect et la gentillesse remplaceront la peur et la haine,
"Nous devons commencer par la façon dont nous nous traitons au début de la vie.
"Car c'est là que nos modèles les plus profonds sont installés,
"De ces racines poussent la peur et l'aliénation – ou l'amour et la confiance."
                                                                                         Suzanne Arms

"La naissance sans violence rassure l'enfant et lui évite la peur." Étienne Herbinet

"Bien naître, bien-être" Danielle Rapoport

"Le bain, c'était merveilleux pour lui." Un papa

"Une naissance extraordinaire, merveilleuse, remarquable, privilégiée…"
120 mamans sur 120

"Ma théorie est que le meilleur moyen de changer le monde est de changer les procé-"dures de la naissance." William Swartley(1)

            Respectant le bébé comme une personne extrêmement sensible et vulnérable, avec des sentiments, émotions et sensations aigus, Frédérick Leboyer(2) a révolutionné les procédures de la naissance. Sa grande innovation repose sur l'observation que la coupure prématurée du cordon est traumatisante. Adoptée par l'OMS, elle consiste à attendre le clampage naturel (arrêt physiologique des pulsations), sauf faiblesse cardiaque du bébé – ce qui prend de cinq à vingt minutes, quelquefois plusieurs heures – et permet à l'enfant de gagner 80 à 100 grammes de sang riche en aliments essentiels(3). Elle s'accompagne de soins tendres, d'un maximum de douceur et d'un environnement calme et paisible : pas de téléphone, voix basses, pénombre (il est nécessaire de disposer un spot lumineux sur la vulve de la maman pour pouvoir s'apercevoir d'une éventuelle hémorragie), s'abstenir de tirer sur la tête du bébé, pas de suspension par les pieds ni de claque sur les fesses en guise d'accueil mais un petit repos sur le ventre de la mère(*), mise à la tétée presque immédiate, jamais de séparation entre la mère et l'enfant (adopté par l'OMS) même pour un petit bain relaxant (sans lavage) qui viendra en son temps, massage et caresses à satiété, des heures de contact peau à peau (adopté par l'OMS), tout cela pour prévenir la souffrance du bébé.

            Odent(4) met l'accent sur les moments de bonheur intense de la première rencontre entre l'enfant et ses parents, programmés par la nature sous l'influence de l'oxytocine, l'hormone de l'attachement. Il insiste sur la nécessité de les laisser se découvrir tranquillement et dénonce implicitement l'intrusion, dans cette fête de famille, de gynécologues pressés d'en finir. C'est comme si une équipe médicale venait faire passer les examens prénuptiaux au milieu du mariage. Sans aller jusqu'à la naissance Lotus dans laquelle le cordon tombe tout seul par dessiccation au bout de quelques jours, il préconise de ne le trancher que lorsqu'il est devenu sec et dur. Nous allons voir qu'il a alors rempli sa fonction d'oxygénation et de nourrissage du bébé en aliments essentiels. Il souligne également la fonction immunitaire de l'irremplaçable colostrum – le lait maternel des trois premiers jours. C'est le premier aliment que doit recevoir l'enfant.
            Résultat, les pleurs sont peu abondants, les "bébés-Leboyer" ne sont ni violents ni déprimés mais paisibles, gais et énergiques, ils sourient et portent leur tête dès le premier jour, ce qui était rare auparavant(5). Une enquête sur 120 naissances(6) a révélé qu'ils sont en grande majorité ambilatéraux (ambidextres). Elle a aussi révélé davantage d'indépendance et d'autonomie, habileté manuelle précoce, un développement un peu plus rapide (marche à 13 mois au lieu de 14-15, propreté et autonomie alimentaire et vestimentaire dès 2-3 ans) et surtout des "enfants sans problèmes" (Michel Odent) : pas de troubles de l'alimentation et du sommeil dans 97% des cas, moins de perturbations psychosomatiques (cris paroxystiques, coliques des trois premiers mois) et une remarquable absence de demandes de conseil chez 95% des mamans. Environ dix ans plus tard, une autre observation(7, citée par (1)), portant sur 126 bébés, a révélé 100% d'ambilatéraux, des QI étonnamment élevés, une grande facilité dans l'acquisition des langues étrangères et l'absence de la plupart des maladies infantiles.

            Le succès médiatique de "Naissance sans violence" a pourtant déclenché une controverse aussi acerbe qu'internationale(8). Las de ces mises en cause et du manque de moyens mis à sa disposition, Leboyer donna sa démission de chef de service d'un hôpital parisien(9) pour se consacrer à l'écriture. Si la carence des vocations en gynécologie est aujourd'hui inquiétante, "Naissance sans violence" est régulièrement réédité dans le monde entier et plusieurs maternités ont "institutionnalisé sa démarche sans rien sacrifier aux exigences médicales"(6). Cependant, certaines de ces dernières peuvent être évitées ou réduites pour les enfants en bonne santé. Et surtout, elles peuvent être différées.
            Les chercheurs suédois ont fait taire les critiques les plus virulentes. Menée sur 400 naissances, une première étude(10) a montré que l'accueil Leboyer est sans conséquence sur la mortalité infantile. Une seconde(11) a vérifié que l'attachement se réalise mieux si l'enfant peut rester sur la mère pendant les deux premières heures. D'autres ont découvert que puisque le bébé est immunisé contre la flore maternelle, le faire strictement cohabiter avec la mère le protège contre les infections par remontée urétrale(12), grand prétexte, puisque les antibiotiques suffisent largement, des médecins américains partisans de l'inacceptable circoncision.
            Invoqué par les opposants, le risque de jaunisse dû à un excès de globules rouges n'est pas confirmé(13), (14), (15) ou peut être évité en laissant le placenta au même niveau que le bébé. Le respect du clampage naturel permet d'éviter le tétanos infantile(16). Du côté de la mère, attendre l'évacuation du sang placentaire diminue le risque d'hémorragie post-partum et facilite l'expulsion du placenta(17).

            Pourtant, bien que recommandé par l'OMS, le clampage naturel n'est toujours pas universellement adopté et nul n'est prophète en son pays ; en France, 10% seulement des maternités le pratiquent contre 83% au Danemark(18). Leboyer a beaucoup de succès à l'étranger – notamment dans les pays anglo-saxons – où sages-femmes, médecins et chercheurs ont apporté un fleuve au bien-fondé de la technique millénaire rapportée du pays de Gandhi par le yogi gynécologue. Et un fort courant(19), (20), (21), dont une étude méta-analytique(22) portant sur 1.912 naissances dans 15 enquêtes contrôlées, un bilan(23) et plusieurs éditoriaux(24, 25), se dessine pour affirmer : "c'est le clampage précoce qui demande justification"(14). Un observateur affirme même qu'il devrait nécessiter le consentement parental. L'éditeur d'Archives of disease in childhood remarque que seule l'absence d'étude des effets à long terme ne l'a pas rendu routinier. Mais a-t-on fait de telles études lorsqu'on a adopté le clampage immédiat ? La mise en œuvre générale d'une technique qui semble contraire aux processus naturels fut délibérément antiscientifique.
            Une première enquête sur le rythme cardiaque (26) conclut à un retour à la normale plus rapide avec le clampage naturel. Une deuxième, menée sur 30 bébés, affirme : "Ces résultats laissent penser que l'accouchement Leboyer est associé à un accroissement temporaire de la résistance pulmonaire et systémique alors que les fonctions ventriculaires droite et gauche ne sont pas affectées"(27).
            Ensuite, il a été observé qu'avant la naissance, la mère délivre à l'enfant un important bol de sang, de 30 à 50% du volume sanguin total, qui s'emmagasine dans le placenta(3), (24), (28), (29), (30), (31), (32), (33), (34), (35), (36), (37), (38). Ce viatique est transfusé juste après la naissance(3) par la pression des contractions qui continuent. En apportant l'oxygène nécessaire à l'effort du démarrage de la respiration, il permet d'éviter l'asphyxie temporaire provoquée par le clampage précoce alors que, bien évidemment, priver un adulte de seulement un tiers de son volume sanguin le mettrait en état de choc. Lind(3) rapporte que la respiration intervient 3 secondes plus tard avec le clampage naturel. Seule une croyance aveugle peut contrer l'évidence que le passage à la respiration par une interruption brutale, même brève, de l'alimentation en oxygène, est une méthode de coercition barbare, similaire à la torture par l'eau, avec de désastreuses conséquences psychologiques. La perte de l'ambilatéralité en est la preuve la plus voyante mais plusieurs observateurs estiment que l'altération du cerveau par insuffisance temporaire d'irrigation est une cause d'autisme (1,1% des enfants aux USA). Ce dernier est en effet inconnu des Amish et des Somalis qui attendent la sortie du placenta avant de couper le cordon. Restant quelques minutes à l'intérieur de la mère, le placenta assure à l'enfant la meilleure oxygénation possible. En conséquence, même en cas d'hémorragie maternelle, il ne faut jamais clamper avant l'établissement d'une respiration régulière.
            Cet afflux a aussi une fonction mécanique d'irrigation des organes qui n'ont encore jamais fonctionné (reins, foie etc.), sans privation des autres organes avec risque d'hypovolémie, d'hypotension et de dilatation des poumons. L'augmentation de volume et de pression(39) sanguins permet au cœur du bébé d'emplir les alvéoles pulmonaires, les mettant en condition pour leur tâche prochaine.
            Il est enfin fortement chargé en cellules souches, globules rouges, glucose et fer en quantité et qualité telles que le sang placentaire d'un bébé de la même famille a été utilisé dans le traitement de l'anémie. En priver l'enfant à un moment décisif de son existence, notamment dans les pays sous-développés où la moitié des enfants sont anémiques à l'âge d'un an, paraît délibérément antiscientifique. Mais cela n'est pas seulement vrai dans les pays sous-développés ; même une faible déficience en fer ou une légère anémie dans l'enfance peuvent entraîner des déficits cognitifs. Plusieurs enquêtes(38), (40), (41), (42), (43), (44), (45), dont une(14) menée jusqu'à l'âge de 6 mois sur 358 naissances, ont montré que le clampage naturel diminue fortement le risque d'anémie ; les taux de fer, ferritine, hématocrite(37) et hémoglobine globulaire(35), (46), (47), (48), et enfin le taux de glucose(14), (49), (50), (51) sont notablement augmentés. Cela est tout particulièrement important pour les enfants menacés soit par leur faible poids, soit parce que la mère a un bas taux de ferritine, soit parce qu'ils ne peuvent recevoir de supplément alimentaire en fer.
            Le sang placentaire contient également les hormones de l'amour et de l'attachement (oxytocine), favorisant les premiers échanges entre la mère et l'enfant.
            Ultee conclut ainsi son étude(14) sur 37 bébés prématurés : "Le clampage immédiat du cordon ombilical devrait être découragé." et : "Le clampage différé ne semble pas avoir d'effets néfastes." Reynolds(52) note également l'absence d'effets pervers. Par contre, le clampage précoce augmente les risques d'hypotension(30), anoxie, hémorragie intraventriculaire(35), (53), (54) (tout particulièrement chez les prématurés(29)) et le recours à la transfusion(55), (56) et à la réanimation(32).
            Le placenta semble un cadeau de la mère, un panier à provisions qui prouve au bébé qu'il n'est pas abandonné sans ressources, presque un premier objet transitionnel. Il est ainsi démontré que la nature a prévu pour la naissance un système complexe, extrêmement perfectionné. L'ingérence d'hommes pressés dans ses plans manque pour le moins de pertinence. Le placenta est un système d'alimentation et d'excrétion par échanges plasmatiques avec la matrice. Il est irrigué par deux artères pulsées par le cœur du bébé, non par celui de la maman, et une veine fait retour au bébé. Il n'est pas évacué en même temps que l'enfant de façon à mieux approvisionner le bébé en ultimes ressources nécessaires aux premiers moments. La nature semble avoir programmé l'arrêt des pulsations lorsque le contenu du placenta est épuisé. Le jeter avant l'accomplissement de ses fonctions est tout bonnement insensé. Le placenta est extérieur au corps du bébé mais il en fait partie. C'est la propriété du bébé, seule la nature a le droit de l'en séparer.


            Après ce bilan, venons-en à l'apport inédit de ce travail : tenter de répondre à la question posée par Rapoport(6) : "… l'ambidextrie… est importante, sans que nous puissions savoir quelle est sa signification." Certains médecins qualifient d'anti-scientifique la réalité complexe de l'ambilatéralité(57) sans prendre garde que les observations déjà faites suffisent – qui peut le plus peut le moins – pour aller de l'avant sans s'attarder à la diversité des constats en la matière. Un pareil rejet relève d'un aveuglement qui, de la part de latéralisés, semble l'expression d'une jalousie inavouée. Car les ambilatéraux font des prouesses dans les sports, en particulier le tennis et les sports de combat. Il est anti-scientifique de s'opposer à un progrès évident au nom d'une ignorance sur l'étendue exacte de ce progrès. Nous avons vu que naître dans la douceur a des répercussions psychologiques positives à long-terme. Qualité appréciée, l'ambilatéralité des bébés Leboyer montre qu'on ne détruit pas un organe en plein fonctionnement sans traumatiser durablement le cerveau. La coupure prématurée l'empêche parce qu'elle provoque un traumatisme. Quel est donc le mécanisme de ce traumatisme ?
            Éthologie et psychologie élémentaire donnent à penser que la latéralisation, normalement conséquence de l'apprentissage, résulte d'une inhibition pathologique.
            Premier fait : la soumission (droitiers) ou l'opposition éventuelle (gauchers) à la norme adulte est absurde ; elle n'est pas le fait de la confiance mais de l'aveuglement provoqué par la terreur inconsciente résultant du choc provoqué par l'arrêt brutal de l'alimentation placentaire avant son extinction naturelle, graduelle et paisible. Pour quelques instants, la nature a prévu un double système d'approvisionnement en oxygène et nourriture. Tant que le cordon bat, le placenta permet une adaptation progressive, une transition en douceur entre les deux systèmes. Dans la nature, en l'absence de hâte médicale, la mère n'a aucune raison de couper le cordon qui se dessèche et tombe de lui-même au bout de quelques jours. Si la coupure intervient avant terme, elle ne prive pas seulement l'enfant d'aliments naturels ; elle interfère brutalement dans la gestion de son corps par le bébé. Il est contraint de prendre sa première respiration sous l'effet d'une violence inouïe. Provoquant douleur et angoisse atroce, la coupure est ressentie comme une mutilation cruelle. Intimement terrorisé, à vie, par les adultes incluant la mère, l'enfant se conformera à la norme. Les ambilatéraux sont normaux, droitiers et gauchers ne le sont pas. Le concept même d'ambidextrie est symptomatique de la compulsion de domination des névrosés obsessionnels qui l'ont inventé.
            Deuxième fait, la latéralisation est également répartie chez les singes – qui laissent le cordon intact – tandis que les droitiers sont en majorité chez l'homme.
            Ces deux faits donnent à penser que cette majorité est une conséquence du langage qui, en favorisant domination et intimidation, a contrecarré l'équilibre statistique naturel. Il n'y a aucune raison que la main droite soit la plus forte. Les droitiers sont devenus les plus nombreux parce que les professeurs ont imposé l'usage de la main droite pour l'écriture et que les militaires ont renforcé le phénomène. L'humanité est droitière parce que la société humaine est une société dominatrice. La latéralisation n'est donc pas la conséquence du développement naturel du cerveau, selon l'explication neurologique –  mais tautologique – de Janov(5). Premier traumatisme, la coupure prématurée crée la névrose universelle, son conformisme et son cortège d'inhibitions.
            Consciemment ou non chez les assistants à la naissance (infirmières, sages-femmes, gynécologues), il s'agit d'appropriation individuelle ou collective du bébé dans un désir compulsif de jouir de l'enfant. Tous les prétextes sont bons pour arracher le bébé aux bras de la maman et l'avoir à soi un moment : "Et maintenant, à la pesée !" et la balance est dans une autre pièce, ou encore, la mère a un rhume et l'enfant doit absolument être mis dans la nursery, au risque d'infections nosocomiales contre lesquelles le bébé n'est pas immunisé. Dans le clampage précoce, le mécanisme de cette appropriation est celui de la pensée fétichiste, infantile ou primitive, qui, selon la psychanalyse, assimile la partie au tout. Il est exploité par les manipulateurs vaudous ; pour asservir leurs crédules victimes et les forcer à la prostitution (en l'absence des mutilations sexuelles abolies par les esclavagistes), ils leur volent une mèche de cheveux. Le clampage précoce et les soins médicaux obsessionnels sont une mise au goût du jour des rituels de séparation des primitifs qui asservissent l'individu à la tribu. Ils sont aussi un moyen pour les équipes médicales d'échapper à l'angoisse de l'accouchement. C'est l'enfant qui fait les frais de cet anxiolytique.
            Leboyer a aussi condamné l'excision et la circoncision(58). Ce qui est vrai pour le placenta l'est a fortiori pour les organes spécifiques de la manusexualité, très riches en terminaisons nerveuses érogènes et tactiles. Invasives et destructrices, ces excisions provoquent un traumatisme au moins aussi grave que la coupure prématurée du cordon. La même cause, la violence, produit le même effet : une soumission profonde et la répétition transgénérationnelle du crime absurde et discriminatoire. Tous ne paraîtront pas nécessairement traumatisés, une minorité le sera gravement. Il y a probablement un lien de cause à effet entre la circoncision, l'antijuifisme qu'elle provoque, et la mutation génétique induisant une propension élevée au cancer du sein et de la prostate chez une grande majorité de juifs ashkénazes.
            La soumission est amplifiée par la rupture traumatique de l'attachement mère-enfant, d'une réciprocité dramatique lorsque la mère, ne retrouvant plus les merveilleux sourires initiaux, "ne reconnaît plus" son enfant et, au pire, le maltraite(8). Comme douloureusement expérimenté par Romberg-Weiner(59), il est dommage d'avoir un accouchement Leboyer si c'est pour circoncire l'enfant ensuite. Semblablement, il n'y pas de naissance douce avec coupure prématurée du cordon. Leboyer s'oppose à ces comportements tyranniques. Son message peut être ainsi résumé : "Laissez le bébé, son placenta et la maman tranquilles."
            Provoqué par la coupure prématurée, le symptôme de la latéralisation apporte une illustration limpide de la théorie freudienne que la mutilation prétendue symbolique est une technique de soumission. Les traumatismes de la coupure prématurée du cordon ombilical et des mutilations sexuelles sont similaires. Cette similitude souligne que les coupures sociétales de routine sur les jeunes générations, qu'elles soient rituelles ou médicales, séparent dramatiquement l'enfant de la mère. La conséquence, et parfois même le but avoué de ces violences terroristes est de les soumettre à une société despotique.


Conclusion

            Au cours de l'histoire, le patriarcat a multiplié les instruments de violence destinés à briser le lien mère-enfant. Les mutilations sexuelles sont le pire mais la perte de l'ambilatéralité montre que la coupure prématurée du cordon est aussi très dommageable. Cette pratique contre nature permet aux médecins de réaliser un fantasme inconscient de castration de la femme. Inconsciemment jaloux du pouvoir de maternité, ils traumatisent psychologiquement les mères par la mise en scène sadique, à un moment où la femme est particulièrement vulnérable, de l'intervention de ciseaux entre la mère et l'enfant alors que le placenta est encore dans la matrice. Dans cet odieux fantasme, puisque le placenta est une partie de l'enfant, non de la mère, c'est lui qu'ils castrent, ce qui est insensé !
            La rupture du lien mère-enfant est une des grandes sources de la criminalité et des maladies mentales individuelles ou collectives. Corrélant les techniques d'accouchement aux conduites adultes ("les procédures obstétriques devraient être soigneusement évaluées et si possible modifiées pour prévenir d'éventuels comportements suicidaires."), plusieurs enquêtes sur le suicide(60, 61, 62, 63) confortent les découvertes de Leboyer. Il en va de même de la criminalité(64, 65, 66, 67). Commises à l'âge où la vulnérabilité est la plus grande, les violences précoces sont les pires excès d'adultes qui reproduisent lamentablement, et parfois aggravent, ce qu'ils ont eux-mêmes subi. Ce cycle infernal doit être brisé.
            Dénoncée par Benjamin Franklin voici plusieurs siècles, la coupure prématurée du cordon remonte à l'époque où la médecine pratiquait la saignée. Elle est le premier acte de violence des adultes contre l'enfant qu'elle met "sous terreur" (Alice Miller). Compte tenu de la multiplicité des techniques chirurgicales délibérément utilisées dans l'histoire dans le but de soumettre l'enfant : excision, circoncision, amygdalectomie, tonsillectomie, scarifications, etc., on peut se demander si un machiavélisme médical n'aurait pas prémédité la coupure précoce du cordon dans le même but. Un mouvement en sens inverse se dessine mais les exemples de Copernic, Galilée, Freud… etc., ont montré qu'on ne refait pas facilement le monde. La médecine est un univers où le meilleur côtoie le pire : dogmes figés, chapelles, incompétences, arrogances et préjugés, aux mains de mandarins tout puissants et d'où, en conséquence, l'erreur n'est pas absente. Il lui a fallu un demi-siècle pour accepter la découverte de l'hygiène (Semmelweiss) qui a permis une forte diminution de la mortalité post-natale. Pour la naissance en douceur, voilà plus de trente cinq ans que jalousie féroce, orgueil imbécile et bêtise aveugle ignorent une des plus précieuses observations médicales de tous les temps. Si, après les vives résistances décrites par Rapoport(6), (8), la profession s'est emparée de la plupart des recettes de Leboyer, la principale demeure critiquée et peu suivie et malgré l'exceptionnel intérêt de son apport à l'humanité, il n'a pas eu le prix Nobel. Cependant, la coupure prématurée du cordon traumatise le cerveau et prive la vie naissante d'aliments essentiels. La non-violence est parvenue à chasser les anglais de l'Inde. Aura-t-elle raison de l'ordre médical castrateur, occidental et judéo-chrétien, dont les accusations d'anti-scientificité semblent tout bonnement calomnieuses envers le multimillénaire savoir empirique de l'Inde ? Confrontée au savoir psychanalytique et comme développé par Rapoport(6), cette approche de la naissance permet d'affirmer que, si tout se passe bien par ailleurs, le seul traumatisme de la naissance, générateur de névrose universelle, est celui de la coupure prématurée du cordon ombilical. Rappelons que la découverte de Leboyer trouve son origine dans son revécu, pendant sa psychanalyse personnelle, du traumatisme de sa propre coupure prématurée. L'auteur de ces lignes a aussi pu éprouver le ressouvenir de l'infernale expérience d'une torture menaçant la vie, précédée par une naissance dans une douce jouissance. Ceux qui n'ont pas fait cette expérience sont mal fondés pour douter.
            La révolution Leboyer est une chance pour la planète de sortir de l'impasse mortifère où l'a engouffrée le productivisme obsessionnel. Libérer la jeunesse de la violence des adultes lui permettra de solutionner les problèmes de demain par l'imagination et la douceur plutôt que par l'équilibre de la terreur et ses exterminations récurrentes.


Sigismond (Michel Hervé Bertaux-Navoiseau) – oldsigismund@hotmail.com
Chercheur indépendant en psychanalyse, ancien élève du Département psychanalyse de l'Université de Paris VIII, auteur de "Les mutilations sexuelles féminines et masculines, le plus grand crime contre l'humanité" (livre et article disponibles gratuitement sur le site academia.edu)


(*) Cet article a fait l'objet d'une "réponse rapide" du 17 novembre 2010 publiée par le British medical journal: http://www.bmj.com/content/341/bmj.c5447
(1) Swartley W. Self and society, the primal issue. Interview by Rowan J. Brit J June 1977.
http://primal-page.com/rowan4.htm
(2) Naissance sans violence. Paris : Seuil ; 1974.
(*) Il est souhaitable que la mère, ou le père au cas où elle ne peut le faire, soit la première personne à porter le bébé et le place elle-même sur son ventre.
(3) Lind J. Physiological adaptation to the placental transfusion: the eleventh blackader lecture. Can Med Assoc J. 1965 ; 93 : 1091 –1100.
(4) Odent M. The First Hour Following Birth: Don’t Wake the Mother! Midwifery Today, 61.
(5) Birth without violence: an evening with Doctor Leboyer. J primal therapy. 1975, II (4), 289-300.
(6) Rapoport D. Bulletin psycho 1976, XXIX, 322 : 552-560.
(7) Cité par Lyon H. www.halcyon.com/REALIZINGYOURPOTENTIAL3.26.08.htm
(8) Rapoport D. La bien-traitance envers l'enfant : des racines et des ailes. Paris : Belin. p. 34-40.
(9) http://www.holistika.net/parto_natural/parto_fisiologico/entrevista_con_el_dr._frederick_leboyer.asp
(10) Wessel S. Van Geffel R. Trente mois d'expérience de la "naissance sans violence", Enfants 1977, (4), 297-312.
(11) Larsson K. Université de Goteborg.
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(13) Saigal S. Usher R. Symptomatic neonatal plethora. Biol neonate 1977 (32) : 62-72.
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http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16856818?itool=EntrezSystem2.PEntrez.Pubmed.Pubmed_ResultsPanel.Pubmed_RVDocSum&ordinalpos=2

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(21) Hutchon D. Why do obstetricians and midwives still rush to clamp the cord? BMJ 2010; 341:c5447.

http://www.bmj.com/content/341/bmj.c5447.full
(22) Hutton E., Hassan E. Late versus early clamping of the umbilical cord in full-term neonates: Systematic review and meta-analysis of controlled trials. Journal of the American Medical Association 2007;297(11), 1241–1252.
(23) Mercer J. Current best evidence: a review of the literature on umbilical cord clamping. J Midwifery women's health 2001 (46) : 402 –414.

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(26) Fournier J.-C., Burgun P., Bock A., Louis D., Renaut R. Étude du rythme cardiaque instantané du nouveau-né dans les 50 premières minutes de la vie. Congrès de Biarritz, nov 1976.
(27) Nelle M., Kraus M., Bastert G., Linderkamp O. Effects of Leboyer childbirth on left- and right systolic time intervals in healthy term neonates. J perinatal med 1996, 24 (5), 513-520 (22 ref.)
http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=3245212
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